Habiter la Terre : dans quelle mesure co-habiter avec la nature nous rappelle-t-il l’impermanence des choses ?
Le but de ce projet était de réconcilier l’Homme et la Nature, afin d’abolir cette dichotomie qui nous empêche de co-habiter avec les autres êtres vivants. Comme le dit le philosophe Philippe Descola, « La nature, cela n’existe pas ». Il faut cesser de concevoir la Nature comme séparée de l’Homme. Cette affirmation est le point de départ d’un mouvement vers la préservation du milieu que l’on habite, mouvement absolument nécessaire à l’heure de la crise écologique que nous traversons. Depuis le début de ma réflexion sur ce projet, le rapport du GIEC a été publié le 4 avril 2022 et le bilan est dramatique : il nous reste seulement trois années pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre et faire en sorte que la Terre reste habitable pour les générations futures. La Terre est déjà devenue inhabitable pour des millions de déplacés climatiques à cause d’événements climatiques extrêmes.
Mon projet photographique propose une représentation d’une cohabitation possible entres les différents éléments qui peuplent un milieu, vivants ou inertes. La première série de natures mortes réalisée en studio évoque l’aspect éphémère de toute chose à travers des compositions en équilibre, et en faisant référence à des événements fugitifs comme le passage des saisons, la floraison et le flétrissement des fleurs. Ces natures mortes célèbrent des pratiques de l’artisanat japonais comme la céramique, le Kintsugi, et enfin l’Ikebana. L’art japonais entretient une relation équilibrée entre l’Homme et la matière qu’il puise dans son environnement, le but étant de mettre en valeur la beauté éphémère de ce dernier et non pas de l’exploiter à outrance pour faire du profit grâce aux productions réalisées. L’artisanat japonais traduit une forme de gratitude envers cet équilibre précaire qui permet à l’Homme de co-habiter avec les autres éléments de son milieu.
Cependant, cet équilibre est en effet fragile. Pour montrer cela, ce projet se termine par une série de paysages qui ont été « patinés » par le temps, à la manière des céramiques japonaises qui arborent volontairement des aspérités et des imperfections plutôt qu’une surface lisse, ou encore comme le Kintsugi qui souligne la cassure d’un vase avec de la poudre d’or. Dans cette série, je n’ai pas souhaité faire de distinction entre catastrophes dites « naturelles » ou causées par l’Homme puisqu’il s’agit d’un seul et même milieu où tout coexiste. Les paysages choisis sont donc le résultat de l’érosion, d’éboulements, de tempêtes, de la force d’une rivière, mais aussi le résultat d’événements causés par l’Homme comme le changement climatique et la guerre. Mes photographies de paysage ont la volonté de s’inscrire dans la continuité du courant photographique « New Topographics » qui montre des paysages dénaturés par l’Homme. Ce courant reflétait déjà le malaise croissant quant à la manière dont le paysage naturel a été érodé par le développement industriel et l’expansion des villes.
Finalement, ce projet propose de changer notre rapport anthropocentré à notre environnement. D’ailleurs, la philosophe Vinciane Despret préfère parler de « milieu » plutôt que d’ « environne- ment » car ce terme renvoie à l’idée qu’il y ait un centre et un entourage, et donc place l’Homme au centre de cet environnement, négligeant ainsi les autres éléments du vivant. Un milieu pose la question de ce qui importe, et nous pousse à prendre en compte tous les éléments qui co-habitent dans ce milieu. Cette philosophe nous pousse à porter une attention particulière au vivant tel qu’il est : encore vivant, et pas seulement en voie de disparition. Elle finit par dire qu’il faut «penser à ceux dont on compromet la survie, mais aussi à ceux qui sont encore là et avec lesquels il faut essayer de vivre un peu mieux ».

HIVER

PRINTEMPS

ÉTÉ

AUTOMNE

BOURGEONNEMENT

FLORAISON

FLÉTRISSEMENT

INCENDIE

INONDATION

ÉBOULEMENT

LA FORÊT DE STRAITURE

LES FALAISES D'ÉTRETAT

LES SUCETTES DE BORNE

LE MONT AIGUILLE

LE CLAPS

LE CLAPS

ROCHER DE L'ALTSCHLOSSFELSEN OU "LE PETIT COLORADO"

LES ÉPARGES

"LE PETIT COLORADO"
